Logiciel espion Pegasus : un téléphone d’Emmanuel Macron figure sur une liste de cibles
Rabat a sélectionné le numéro du chef de l’État français en 2019 pour une possible infection de son téléphone avec le logiciel Pegasus, comme le révèlent les informations de Forbidden Stories et de ses 16 partenaires, dont la cellule investigation de Radio France.
« Nous regardons ce sujet de très près ». La réponse du porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, à une journaliste lui demandant si le téléphone d’Emmanuel Macron avait été « compromis » dans l’affaire Pegasus, lundi soir, prend un tout autre sens ce mardi.
Le Monde et France Info révèlent que l’un des appareils mobiles du chef de l’Etat figure effectivement dans une liste de cibles visées grâce à ce logiciel mis au point par la société israélienne NSO Group. Le Maroc en serait à l’initiative.
Pegasus, s’il est introduit dans un smartphone, permet d’en récupérer les messages, les photos, les contacts, et même d’écouter les appels de son propriétaire. « Il permet de lire 100 % des messages écrits par SMS, sur WhatsApp, sur Telegram », précise l’ancien secrétaire d’Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi. 50 000 personnalités du monde entier, dont 1000 en France, seraient concernées.
Reconnaissant que les faits sont « très graves » s’ils sont « avérés », l’Elysée veut d’abord « que toute la lumière soit faite ».
« Pour l’instant, l’exécutif s’en tient au strict minimum dans ses commentaires, rares et laconiques », rapportent des médias français.
Interrogé à l’Assemblée nationale ce mardi après-midi, le Premier ministre français, Jean Castex a répondu que les autorités avaient « ordonné des investigations qui n’ont pas abouti»… sans convaincre tous les parlementaires.
« C’est limite choquant, j’espère que les renseignements français n’apprennent pas les choses en lisant la presse. Cela donne l’impression qu’on a uniquement la face émergée de l’iceberg pour le moment », tonne le député La France insoumise Alexis Corbière.
Les relations Paris-Alger en toile de fond
Reste le mobile… Si Rabat a bien tenté d’infecter le téléphone du président français au cours du mois de mars 2019, que cherchait-il à obtenir comme informations ?
À cette période, Emmanuel Macron est préoccupé par la situation en Algérie, le “frère ennemi” du royaume chérifien.
De vastes manifestations ébranlent Alger, ce qui conduit d’ailleurs son président très affaibli, Abdelaziz Bouteflika, à renoncer à briguer un cinquième mandat.
Emmanuel Macron appelle directement l’ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, et le somme de faire un aller-retour à Paris pour évoquer la « crise algérienne » avec le ministre Jean-Yves Le Drian.
Ainsi, Xavier Driencourt a suscité aussi l’intérêt du renseignement marocain à cette période, et son numéro de téléphone a été enregistré en vue d’une possible attaque par le logiciel Pegasus.
Preuve que la situation en Algérie semble la préoccupation première du Maroc, le diplomate Lakhdar Brahimi, qui avait été chargé de préparer la transition pour son pays après le retrait de Bouteflika, a lui aussi été dans le viseur des services marocains, à la même période qu’Emmanuel Macron. Mais ce n’est qu’une hypothèse parmi d’autres.
A.O