Maroc-gate : L’enquête s’élargit à plus d’eurodéputés
Comme prévu, la présidence du Parlement européen a lancé les procédures pouvant mener à la levée de l’immunité parlementaire de deux eurodéputés, à la demande des autorités judiciaires belges.
Ces demandes de levée d’immunité, dans le cadre de la vaste enquête belge sur des faits présumés de corruption et de blanchiment d’argent autour du Parlement européen, concernent l’élu belge PS Marc Tarabella et l’Italien Andrea Cozzolino, également du groupe des S&D (socialistes et démocrates, deuxième force de l’assemblée).
Le Belge et l’Italien avaient déjà été suspendus par leur groupe politique au Parlement européen ainsi que par leur parti national respectif, le temps de la procédure judiciaire. Le communiqué du Parlement européen ne les cite pas, mais une source bien informée confirme qu’il s’agit bien de ces deux hommes.
Selon la procédure, la demande doit d’abord être annoncée en plénière, ce qui devrait être le cas le 16 janvier, puis être confiée à la commission des affaires juridiques du Parlement. Cette commission établit ensuite une recommandation, pour ou contre la levée de l’immunité parlementaire, qui doit ensuite être votée en plénière.
Le domicile de Marc Tarabella avait été perquisitionné le 10 décembre dernier, en présence de la présidente Metsola. L’ex-ministre wallon et bourgmestre d’Anthisnes assure n’avoir rien à cacher et collaborer avec la justice. Il nie toute implication dans une quelconque corruption par le régime qatari.
Marc Tarabella siège depuis 2004 au Parlement européen où il est notamment, sous cette législature, vice-président de la délégation parlementaire avec la péninsule arabique (DARP). Si au sein des services de renseignement et du contre-espionnage le maitre-mot doit être la discrétion et le secret, force est de relever que le linge sale de la DGED est désormais étalé sur la place publique.
Même son patron, Yacine Mansouri, est carrément recherché par Interpol pour le compte de la justice bruxelloise. Cela traduit la ruine totale des services de renseignements marocains. Celle de leur diplomatie aussi. Ces deux services, à force de jouer avec le feu, ont comme de juste fini par se brûler.
Aujourd’hui, les noms, les photos et les frasques de plusieurs officiers de la DGED sont étalés sur la place publique, synonyme de leur totale mise à mort professionnelle.
Le premier d’entre eux, le colonel Mohamed Belharch, avait fait l’objet d’un long article exclusif de notre part. Le magazine italien “Politico” est venu y rajouter une couche pour révéler que “l’espion marocain” Mohamed Belharch, dont le nom de guerre est “M118”, apparait aujourd’hui comme un maillon important dans le vaste réseau de corruption déployé tous azimuts par le Maroc en direction du Parlement européen. Selon la même souce, Belharch était au centre d’un “réseau complexe s’étendant du Maroc à l’Italie, la Pologne et la Belgique”. Il est soupçonné d’avoir été impliqué dans de vastes activités de lobbying et de corruption visant des membres du Parlement européen ces dernières années.
Il s’est avéré qu’il était connu des services de renseignement européens depuis un certain temps. En parlant de Pologne, force est de citer le nom d’Anderrahmane Atmoun, ambassadeur marocain à Varsovie, par qui transitaient les millions d’euros destinés aux eurodéputés véreux, qui seraient au nombre d’une soixantaine au moins. Ce faux diplomate, mais vrai corrupteur, a été décoré de la légion d’honneur par Sarkozy du temps où il était président français, et par un « wissam » quelconque par le roi Mohamed VI.
Les révélations en cascade ne s’arrêtent pas là, qui parlent de cadeaux somptueux remis à l’ex-eurodéputé Antonio Panzeri, ainsi qu’à sa femme et ses enfants. Belharch, lui, est recherché, pour avoir soudoyé de nombreux officiers de la PAF française, chargés de lui remettre des fiches signalétiques de tous les voyageurs « sensibles » transitant par les aéroports internationaux hexagonaux. Il s’agit bien entendu de citoyens algériens et sahraouis.
Cette vile forme de corruption a ainsi poussé des officiers à trahir leur propre patrie. Belharch aurait également eu accès à au moins 200 dossiers « classifiés », de personnes soupçonnées de terrorisme en France.
Ces « fuites », ont sans doute permis au chef des services de renseignements et de sécurité français, Abdellatif Hammouchi, de passer pour un super-flic et d’épater ses pairs d’outre-mer sans fournir le moindre effort. Une seconde fournée de révélations est attendue incessamment, après ces fêtes de fin d’année, et à présent que les services judiciaires et sécuritaires belges tournent à plein régime, une fois passée ces fêtes de fin d’année…
Mehdi Ghayeb