Benmokhtar Ahmed Abdellatif, Inspecteur Général du Ministère de la Justice: La garantie des droits des citoyens
L’inspection générale du ministère de la Justice, à l’instar de celles des autres départements ministériels, a pour missions essentielles de veiller à la bonne marche du secteur, notamment dans sa partie relations avec les citoyens.
Benmokhtar Ahmed Abdellatif, l’inspecteur général au ministère de tutelle, a bien voulu nous parler de cette structure au cours de l’entretien qu’il a accordé à La Patrie News.
Propos recueillis par Tahar Mansour
Les deux volets de la mission de l’inspection générale
« L’Inspection Générale est une structure qui dépend du ministre de la justice, garde des sceaux, chargée de garantir le bon fonctionnaire de toutes les structures judiciaires, elle est composée de 29 inspecteurs centraux, répartis à travers le territoire national sous la direction de l’Inspecteur Général. La plupart des inspecteurs centraux sont des magistrats, tel qu’exigé par la législation en vigueur, de même d’ailleurs que l’inspecteur général. Néanmoins, il existe un article de la loi qui permet d’avoir des inspecteurs spécialisés dans des domaines techniques spécifiques, sans qu’ils soient des magistrats. Il en existe actuellement trois, spécialisés en finances et en gestion dont le rôle consiste en le contrôle de la gestion administrative et financière des différentes structures judiciaires», explique Benmokhtar Ahmed Abdellatif.
Ainsi, les missions de l’Inspection Générale du ministère de la Justice sont le contrôle de la gestion des différentes structures judiciaires, des structures centrales du ministère, des centres pénitenciers et des services placés sous la tutelle du ministre de la justice, garde des sceaux.
La particularité de l’Inspection Générale du ministère de la Justice, contrairement aux autres inspections générales, est qu’elle est liée directement aux activités judiciaires, « ce qui rend sont travail délicat car il a une relation directe avec le citoyen, il est vrai que le pouvoir judiciaire est indépendant, mais cela ne veut pas dire qu’ils font ce qu’ils veulent, il y a un cadre règlementaire bien défini qu’ils ne peuvent pas dépasser, et c’est là que s’inscrit le rôle de l’Inspection Générale du ministère de la justice et qui est de préserver les droits des uns et des autres », précise notre interlocuteur.
Ainsi, l’Inspection Générale veille à la bonne gestion de l’appareil judiciaire ainsi qu’à une justice rendue dans les règles de l’art et c’est dans ce cadre que : « les missions de l’Inspection Générale du ministère de la justice comportent deux volets : dans le premier, nous menons des inspections dans l’ensemble des instances judiciaires selon un programme préparé à l’avance, que nous présentons pour approbation par le ministre de la Justice, garde des sceaux. Les inspections se déroulent au sein des 48 Cours de justice, 211 tribunaux, 23 sections et 48 tribunaux administratifs. Quant au deuxième volet, il concerne les enquêtes, les recherches et les mandats spéciaux émis par le ministre de la justice, garde des sceaux, dans tout ce qui pourrait être reproché comme manquements de la part des magistrats », explique M. Abdellatif.
Ces enquêtes sont initiées suite à des rapports d’instances compétentes ou à des plaintes de citoyens qui s’affirment lésés et c’est l’Inspection Générale qui se charge de confirmer ou d’infirmer les plaintes et les allégations : « si les charges sont prouvées, le dossier est transmis, après avis de M. le ministre, au Haut-Conseil de la Magistrature, seul habilité à traduire un magistrat devant la commission de discipline », déclare-t-il encore.
Les établissements pénitenciers aussi
Dans le même cadre, les centres pénitenciers font l’objet de contrôles réguliers de la part des inspecteurs de l’Inspection Générale, de la même manière que pour les autres instances judiciaires : « nous contrôlons la bonne marche et la gestion des établissements pénitentiaires, administrative et financière, sans oublier que la direction générale des prisons dispose de sa propre inspection générale, mais le contrôle des établissements pénitentiaires entre dans les prérogatives de l’Inspection Générale du ministère de la justice », note notre interlocuteur.
Focaliser les enquêtes sur les services fournis aux citoyens
« Lors de la dernière réunion que nous avons eue avec le ministre de la Justice, garde des sceaux, en compagnie de tous les inspecteurs, des instructions et des recommandations ont été données concernant les missions de l’Inspection Générale. Ainsi, M. le ministre a insisté sur le fait que les missions de l’Inspection Générale doivent être focalisées sur les sujets qui intéressent le citoyen et qui ont une relation avec les services fournis aux citoyens par les différentes instances judiciaires, notamment la manière dont le magistrat conduit l’audience, sa relation avec les justiciables, etc… Ceci particulièrement dans la forme. Il y a aussi les services du parquet (remise des extraits du casier judiciaire, du certificat de nationalité, l’étude des plaintes des citoyens qui font l’objet d’une attention particulière de la part des inspecteurs car étant en relation directe avec les citoyens et les justiciables », déclare encore M. l’Inspecteur Général du ministère de la justice.
Ceci d’un côté, mais il demeure entendu que l’Inspection Générale du ministère de la justice peut contrôler le travail du magistrat, dans son contenu judiciaire, mais dans les limites définies par la loi : « quand il s’agit de violation flagrante de la loi ou d’une erreur d’appréciation particulière », précise notre interlocuteur.
« Ainsi, si nous recevons un rapport, une information ou une plainte d’un citoyen affirmant qu’il a été lésé dans ses droits lors du jugement prononcé par le magistrat, l’inspection générale mène une enquête pour déterminer si le magistrat a failli à son devoir et ce, après mandatement de la part de M. le ministre de la justice, garde des sceaux », poursuit-il.
Nouveau : le Conseil Supérieur de la Magistrature peut mander l’Inspection Générale pour des enquêtes
Concernant la plainte, chaque justiciable peut la déposer auprès des instances concernées, elle peut aussi émaner de n’importe quelle administration, de tout responsable hiérarchique du magistrat.
Dans le cadre des réformes engagées par les hautes autorités du pays, le Conseil Supérieur de la Magistrature peut ordonner à l’Inspection Générale du ministère de la justice de mener des enquêtes contre tout magistrat qui aurait manqué à ses devoirs, dès que l’information lui parvient.
Nouvelle stratégie de contrôle : rattraper les manquements et corriger les erreurs sur place
Toujours dans l’objectif d’améliorer les services fournis aux citoyens, le ministre de la justice, garde des sceaux, insiste pour que l’Inspection Générale dirige son travail vers l’amélioration de ces services à travers toutes les entités dépendant des instances judiciaires.
En deuxième lieu, une nouvelle stratégie a été mise au point par le ministre de la justice, garde des sceaux, qui en a instruit l’inspecteur général du ministère et les inspecteurs sous tutelle lors de la réunion du 4 décembre 2022 : « auparavant, l’inspecteur se rendait au niveau de la structure à contrôler, rédigeait un rapport qui sera transmis à l’inspecteur général pour étude. Après cela, l’inspecteur général renvoyait les observations aux présidents des Cours ou des autres instances afin qu’ils corrigent les erreurs et qu’ils reprennent les manquements, puis reçoit les rapports concernant ces corrections. Mais la nouvelle stratégie mise au point par le ministre de la justice, garde des sceaux, impose aux inspecteurs qui se rendent sur le terrain pour des contrôles et qu’ils constatent des manquements ou des dysfonctionnements de faire corriger les dysfonctionnements ou de rattraper les manquements sur place, sans aucun retard », précise M. Benmokhtar Ahmed Abdellatif.
Une fiche d’évaluation pour chaque instance judiciaire
En outre, et dans le cadre de la nouvelle stratégie, le contrôle effectué par les inspecteurs devra se caractériser par une efficacité pour ce qui est de l’évaluation de l’activité des présidents des instances judiciaires : « au niveau de chaque Cour, de chaque tribunal et de chaque tribunal administratif, nous mettrons en place une fiche d’évaluation qui comportera non seulement les insuffisances constatées, mais également tout ce qui a été réalisé de positif, comme par exemple une initiative qui mérite d’être généralisée. Cette fiche sera utilisée pour l’évaluation des présidents de ces instances », annonce notre interlocuteur.
Ceci étant une phase de commencement puisqu’à l’avenir, l’Inspection Générale mettra en œuvre une fiche d’évaluation pour chaque magistrat selon des critères bien définis pour chaque catégorie et qui servira lors des promotions, des mutations et de l’attribution de postes supérieurs.
Une formation continue des magistrats
« Le contrôle constitue, de manière générale, une formation continue car il ne se contente pas de constater les défaillances et les manquements, mais il les corrige et réoriente les magistrats dans l’exercice de leurs fonctions. En plus, lorsque les inspecteurs de l’inspection générale constatent une différence d’appréciation entre des magistrats de différents cours ou tribunaux, l’Inspection Générale intervient pour unifier le travail judiciaire et c’est là aussi une autre forme de formation », affirme l’Inspecteur Général.
Parmi les autres missions de l’Inspection Générale, il y a celle du suivi de l’application des décisions et des orientations de M. le ministre de la justice, garde des sceaux et cerne les difficultés que rencontrent les magistrats lors de leurs activités judiciaires.
La profession judiciaire, une mission noble
A la fin de l’entretien, Benmokhtar Ahmed Abdellatif, Inspecteur Général du ministère de la justice, estime que : « la profession judiciaire est une mission noble car le magistrat peut prendre des décisions sur les biens des gens, sur leurs libertés et même sur leurs vies. Le magistrat doit donc officier avec honnêteté, justice et sincérité et l’Inspection Générale est un outil entre les mains de M. le ministre de la justice, garde des sceaux pour garantir cela. Le magistrat possède de larges prérogatives et un pouvoir discrétionnaire très large par rapport à tout ce qui concerne les citoyens et il faudrait donc qu’il y ait des mécanismes très stricts qui contrôlent ce pouvoir et la garantie de ce contrôle est ‘’l’Inspection Générale du ministère de la justice’’. C’est elle qui constate les manquements et les défaillances des magistrats, elle est donc le garant des droits et libertés des citoyens ».
L’Inspecteur Général du ministère de la justice
Dès l’entrée dans le bureau de Benmokhtar Ahmed Abdellatif, Inspecteur Général du ministère de la Justice, l’on oublie cette appréhension naturelle de crainte quant on se trouve devant un homme chargé du contrôle et de l’inspection de magistrats de différents grades qui ont, comme il l’a d’ailleurs souligné lui-même ‘’un pouvoir très grand sur les gens, sur leurs vies, leurs libertés et leurs biens’’. Nous nous sommes retrouvés devant un homme jovial, volontaire, qui parle avec une sincérité presque déconcertante. Au cours de l’entretien, M. Abdellatif a laissé entrevoir un amour sans fin pour sa fonction et pour l’ensemble de l’appareil judiciaire qu’il défend de tout son cœur.
M. Benmokhtar Ahmed Abdellatif est Inspecteur Général du ministère de la justice depuis le mois de mars 2022. Il est diplômé de l’Ecole Nationale d’Administration, filière judiciaire de l’année 1988.
Il a occupé plusieurs fonctions judiciaires dont celle de juge d’instruction, procureur de la république durant plusieurs années, procureur général puis, actuellement, Inspecteur Général.
T.M