Affaire Pegasus : l’implication du Maroc se précise de plus en plus
L’espionnage des téléphones de ministres français par le Maroc se confirme peu à peu. Selon Mediapart, la présence de marqueurs suspects, liés au logiciel israélien Pegasus, a été détectée par des analyses techniques.
Au moins cinq ministres français sont concernés. Il s’agit Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, ministre des Outre-Mer, Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du Logement et Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation.
Si Mediapart, qui s’est basé sur un rapport confidentiel, indique que l’infection des smartphones n’est pas encore prouvée « réellement », il n’en demeure pas moins que deux types de traces de Pegasus ont pu être découverts.
Plus en détail, des signes montrant une infection réussie du téléphone et des traces de repérage effectué avant l’infection proprement dite ont été détectés. Le second type de traces « a été retrouvé sur le téléphone de François de Rugy, alors ministre de l’écologie ».
Il n’y a pas que les ministres français qui ont été ciblés par le client marocain du maliciel israélien. Le président, Emmanuel Macron, et l’ancien chef du gouvernement, Édouard Philippe, pourraient figurer parmi les personnes dont les téléphones présentent des traces de Pegasus. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que Franck Paris, le conseiller pour l’Afrique d’Emmanuel Macron, en fait partie.
Mutique depuis l’éclatement du scandale, l’Elysée n’a pas souhaité faire « de commentaire sur des inspections en cours et qui nécessitent un travail long et complexe », ajoute Mediapart.
Alors que les hautes autorités françaises optent pour le ménagement de leur allié marocain, le parquet de Paris a ouvert une enquête à la suite des révélations. Laquelle enquête a « permis de confirmer l’infection de plusieurs téléphones, notamment ceux de deux journalistes de Mediapart ».
Une enquête menée par un consortium de dix-sept rédactions, dont Le Monde, a démontré, au mois de juillet, l’implication du Maroc. « Des marques techniques identiques, propres à chaque client de Pegasus, ont par exemple été retrouvées chez des opposants du régime marocain emprisonnés, des sympathisants de la cause du Sahara occidental et sur le téléphone de François de Rugy. Le Maroc a toujours nié toute responsabilité dans cette affaire », note le quotidien français.
Selon la même enquête, l’Algérie est de loin le pays le plus ciblé par Pegasus. Au moins 6000 numéros algériens ont été sélectionnés par le client marocain de Pegasus en vue de les surveiller, ce qui constitue, d’après les éléments recueillis par Le Monde, « une cohorte importante, au regard des 50 000 coordonnées téléphoniques sélectionnées dans le monde, entre 2017 et 2019 ».
Au mois de février, le ministre de la Communication, Ammar Belhimer, a accusé le Maroc, d’une manière directe, d’avoir acquis un logiciel espion israélien. « L’Algérie travaille durement pour contrecarrer la cyber-attaque (marocaine) qui la cible », avait-t-il lancé.
Depuis, les autorités algériennes ont pris la décision de rompre les liens diplomatiques avec le régime du makhzen à cause de la bellicosité de ce dernier. Mercredi, les mesures de rétorsion ont été durcies à la suite d’une réunion du Haut conseil de sécurité (HCS). Désormais, l’espace aérien algérien est interdit aux avions marocains.
Skander Boutaiba