Colonel Amirouche, un exemple de rigueur et d’humanisme en temps de guerre
Allier rigueur militaire et humanisme en temps de guerre est une prouesse difficile que rares réussissent comme a su le faire le colonel Amirouche Ait Hamouda.
En effet, beaucoup a été écrit et dit à propos chef de la wilaya III historique durant la Guerre de libération nationale. Que connaît-on vraiment du « Loup de l’Akfadou » ?
Pour l’ancien moudjahid et historien, Djoudi Attoumi, également ancien officier de l’Armée de Libération nationale (ALN), ayant avait servi sous ses ordres, le colonel Amirouche, tombé au champ d’honneur le 29 mars 1959, « concentrait plusieurs traits de caractère, dont l’humanisme n’était pas des moindres et qui, malgré les conditions de la guerre, ne s’était pas effacé des traits de sa personnalité ».
«L’Homme en lui ne s’est jamais dissous dans le chef, même face au exigences de rigueur et aux conditions difficiles et sensibles de la guerre, il ne s’est jamais départi de son humanisme. Que ce soit avec les moudjahidine dans le maquis, les populations dans les villages ou envers les autres responsables de la Révolution», témoigne-t-il, à ce propos.
«Les conditions de la guerre imposent une grande vigilance, de la rigueur et de la fermeté» à tout responsable militaire, mais, le colonel Amirouche a su, de par son intelligence et son génie, faire une alliance entre ces exigences et ses convictions», soutient-il.
Conscient de sa position de responsable et de ses exigences, poursuit Djoudi Attoumi, cité par l’APS, «il a su faire preuve d’une grande intelligence et de maîtrise dans son comportement avec les autres. Entre les exigences du contexte et de son poste et l’impératif du respect du aux hommes, il a toujours su mettre une touche d’humanité dans ses relations».
Au maquis, le colonel, Amirouche, appelé également le Loup de l’Akfadou, «partageait le quotidien des djounoud sans s’octroyer le moindre privilège de quelque nature que ce soit et réussissait à allier l’humanisme, dont il était pourvu en tant qu’homme, et la rigueur, exigée par les conditions de la guerre et qu’il fallait faire respecter. Ce qui a été d’un apport important pour la gestion de ses troupes», raconte-il.
«En fonction des situations, il y avait des moments où il était sévère et stricte et d’autres où il était souple et indulgent», se rappelle-t-il, ajoutant que «conscient de la rudesse de la vie au maquis et de son impact sur leurs esprits (djounoud), le Loup de l’Akfadou veillait sans relâche sur leurs conditions de vie». A ce propos, précise-t-il, «le moment du repas qu’il partageait avec eux, était souvent fait pour les observer, apprécier et analyser leur état d’esprit, profiter pour les former politiquement et entretenir leur moral».
Proche des populations
Avec les populations qui subissaient les affres de la guerre avec son lot de répressions, de persécutions et de misère, le Colonel Amirouche était aussi «resté très proche et soucieux de leurs conditions de vie», affirme encore Attoumi, ajoutant que «malgré le poids de ses responsabilités, il était resté proche des populations».
A chaque passage dans les villages, il prenait le temps, quand les conditions le permettaient, d’aller à tajmaat (assemblée du village), discuter avec les habitants, les interroger pour connaître leurs impressions sur le développement de la Révolution et aussi entretenir l’espoir en eux.
Partout, il parlait toujours de la fin de la guerre, de l’indépendance de l’Algérie et de la possibilité qui leur sera, alors, offerte de construire une nouvelle vie et tourner la page du colonialisme.
Le Loup de l’Akfadou était, également, «très attentif à l’égard des familles vivant dans les zones interdites, et qui bravaient les ordres des autorités coloniales, auxquelles il portait un grand intérêt et se souciait de leur situation sociale et économique», se rappelle M. Attoumi.
Un jour, «de passage dans la région de Beni-kssila, au Nord-est de Bejaia, il avait entendu un bébé pleurer dans une chaumière, à cause du manque de nourriture, Le colonel avait eu les larmes aux yeux et avait offert à la mère du bébé une somme d’argent pour se nourrir et pouvoir l’allaiter».
Quant à ses relations avec les autres chefs de la Révolution, elles étaient «tout autant pleines d’humanisme, d’égard et toujours accueillantes envers eux», dira Attoumi, en se rappelant leurs différentes rencontres dans l’Akfadou (une grande forêt partagée entre les wilayas de Tizi Ouzou et Bejaia), à Ait Yahia Moussa (à l’ouest de Tizi Ouzou) où ailleurs.
Le colonel Amirouche était, par ailleurs, «particulièrement sensible aux conditions de la guerre dans le Sahara et aidait souvent, financièrement, par du matériel et en conseil, le colonel Si El-Houès avec qui il entretenait des relations humaines fortes ainsi qu’avec Mohamed Bouguerra».
Quant à sa famille, Attoumi se souvient que le colonel Amirouche «était toujours resté attaché à sa mère à laquelle il rendait visite quand les conditions le permettait et qu’il était allé la voir la veille de son départ pour la Tunisie».
La « bête » noire de l’arme française
Pour venir à bout de Amirouche, la France mobilisa vainement, près de 11 000 hommes, auxquels s’ajoutèrent les unités locales 8 généraux et 27 colonels lors de l’opération Brumaire en 1958.
Finalement, déébut mars 1959, Amirouche entreprend un voyage vers Tunis pour y rencontrer le GPRA, accompagné d’une quarantaine de soldats de l’ALN.
Le parcours de son P.C. de l’Akfadou à Tunis est une expédition d’une durée illimitée et d’un danger permanent. Ils sortent de Kabylie et passent vers le sud, entre Djelfa et Boussada, avant de rejoindre la frontière tunisienne.
Le colonel Ducasse du 6e RPlMa, informé de l’itinéraire et des horaires, décide de leur tendre une embuscade entre le djebel Tsameur et le djebel Djininibia, à 75 kilomètres au sud de Boussada. Les quarante hommes de l’escorte résistent avec courage aux attaques de nombreux soldats français qui les encerclent.
Amirouche et ses hommes se cachent dans des grottes des falaises et il est impossible de s’approcher. Il faut faire venir la Légion, le 2e escadron du 1er régiment de spahis, et un régiment d’infanterie en renfort.
L’aviation et les canons des EBR Panhard pilonnent les grottes. Après un combat violent et inégal (40 djounoud contre 2 500 soldats français), on dénombre cinq prisonniers et trente-cinq tués algériens. Parmi les cadavres se trouvent ceux du colonel Amirouche et de Si El Haouès.
La fouille des documents trouvés confirment que c’est bien Amirouche. Mademba Sy et Bole du Chaumont trouvent même un million et demi en billets, somme qui trouvera place dans la caisse noire du régiment. Ducasse ne veut croire que ce qu’il voit avant de transmettre la nouvelle à Alger.
L’examen des documents trouvés dans les musettes révéla un certain état d’esprit régnant dans les wilayas, fortement éprouvées par les opérations successives, sans avoir d’aide, ni soutien de la part des états-majors de l’ALN. Amirouche incitait le GPRA, à Tunis, à lancer des séries d’opérations en France, avec le soutien et la complicité des «porteurs de valises ».
Un hélicoptère Sikorsky H-34 se pose en fin d’après-midi, pour ramasser les corps « importants » d’Amirouche et de Si El Haouès, qui sont présentés à la presse. Ait Hammouda, cousin d’Amirouche, ramené de Tassaft, identifiera avec certitude le corps du colonel Amirouche, devant les journalistes.
L’armée fera embaumer les corps. De nombreux officiers et soldats se feront photographier devant les dépouilles par les journalistes accourus. En hâte, l’armée fera imprimer des milliers de tracts que des avions répandront sur les maquis de toutes les wilayas : « Le chef de la wilaya III, Amirouche, le chef de la wilaya VI, Si El Haouès, sont morts. Quittez ceux qui vous conduisent à une mort inutile et absurde. Ralliez-vous ! Vous retrouverez la paix ! » Gloire à nos martyres…
M.M.H