Drifa Ben M’hidi: «La France doit s’excuser pour ses crimes en Algérie»
La commémoration 59e anniversaire de la Fête de la victoire (Accords d’Évian) intervient cette année dans le contexte de la relance du dossier de la mémoire sur la période de la colonisation et la Guerre de libération.
Alger et Paris ont désigné chacun un représentant pour résoudre de manière concertée les désaccords liés à cette question en vue de parvenir à des relations apaisées et équilibrées. L’objectif n’est cependant pas une écriture commune de l’histoire.
Pour le directeur général des Archives nationales, en charge du dossier de la mémoire, Abdelmadjid Chikhi, l’écriture commune de l’histoire entre les deux pays «n’est ni souhaitable, ni possible», tout en formulant le vœu que des avancées soient réalisées, notamment la reconnaissance par la France des crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis durant la colonisation.
« La reconnaissance par (Emmanuel Macron) de la responsabilité de la France dans la mort de seulement deux personnes – le militant communiste français Maurice Audin et l’avocat algérien Ali Boumendjel – est insuffisante », affirme de son côté Drifa Ben M’hidi, ancienne combattante de la guerre d’Algérie et sœur de Larbi Ben M’hidi, un des fondateurs du Front national de Libération assassiné par l’armée française en 1957.
Réaffirmant que le général français Marcel Bigeard, qui avait procédé à l’arrestation de son frère à Alger, lui a avoué que c’est bien «la France qui a tué Larbi Ben M’hidi», elle a, dans un entretien à France 24, appelé le président Emmanuel Macron à reconnaître non seulement cet assassinat, mais le crime commis contre «le peuple algérien dans sa totalité.»
Drifa Ben M’hidi, réclame ainsi, de la France une reconnaissance solennelle ainsi que des excuses envers l’Algérie.
Drifa Ben M’hidi rejette également les regrets exprimés par Marcel Bigeard. Elle ajoute qu’elle ne pourra jamais pardonner à Paul Aussaresses, l’officier français qui a avoué publiquement il y a vingt ans avoir fait pendre Larbi Ben M’hidi. Elle accuse François Mitterrand, alors ministre de la Justice, d’avoir fait exécuter son frère, assurant qu’il était au courant des agissements des militaires français en Algérie.
« Seule une reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux permettra de tourner la page douloureuse de la guerre », a asséné Drifa Ben M’hidi.
En juillet dernier, l’Algérie a récupéré les restes mortuaires de 24 résistants algériens restés 170 ans conservés au Musée d’histoire naturelle de Paris.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait alors souligné la détermination de l’Etat algérien à «poursuivre l’opération jusqu’au rapatriement de l’ensemble des restes des résistants algériens se trouvant à l’étranger pour qu’ils soient enterrés sur la terre pour laquelle ils se sont sacrifiés».
Lors d’une entrevue avec des responsables de médias nationaux diffusée récemment, le Président Tebboune a affirmé que de «bonnes relations de l’Algérie (avec la France) ne sauraient être au détriment de l’Histoire ou de la mémoire».
«Nous ne renoncerons jamais à notre mémoire qui ne peut faire l’objet de marchandage mais les choses doivent se régler intelligemment et sereinement», a-t-il soutenu.