France : une mosquée ciblée dans un contexte tendu pour les musulmans
Dans la nuit de jeudi à vendredi, la mosquée Arrahma, située au nord de la ville de Nantes, a été la cible de ce qui semble être un acte antimusulman. Un feu de poubelle volontaire a endommagé une bonne partie du lieu de culte.
L’incendie a été signalé, hier vendredi, vers 3h du matin, selon France3. « L’incendie a été causé par un feu de containers remplis de cartons placés devant cette porte », a précisé la police française.
Une enquête judiciaire a été ouverte pour déterminer les causes exactes de cet incendie. « Les poubelles d’habitude rangées derrière ont été déplacées jusque devant la porte. Le feu a été mis volontairement, c’est évident. On est tous désolés, on ne comprend pas… On ne fait de mal à personne ! », a relaté Mohamed Ben Belgacem, l’un des administrateurs de la mosquée, cité par 20 Minutes.
Sur Twitter, le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a confirmé l’ouverture d’une enquête pour « établir les faits ». Il a remercié les pompiers qui sont intervenus. Il a également apporté son soutien aux musulmans de Loire-Atlantique.
De son côté, Johanna Rolland, maire de Nantes, a condamné « avec la plus grande fermeté l’incendie déclenché devant la mosquée Arrahma ». « J’apporte tout mon soutien aux Nantaises et Nantais qui la fréquentent et exprime aux musulmans de Nantes ma solidarité. La liberté de culte est un des fondements de notre pacte républicain », a-t-elle écrit sur Twitter.
Je condamne avec la plus grande fermeté l’incendie déclenché devant la mosquée Arrahma. J’apporte tout mon soutien aux Nantaises et Nantais qui la fréquentent et exprime aux musulmans de #Nantes ma solidarité. La liberté de culte est un des fondements de notre pacte républicain
— Johanna Rolland (@Johanna_Rolland) April 9, 2021
Idem pour la Grande mosquée de Paris. Dans un communiqué publié hier vendredi, son recteur, Chems-eddine Hafiz, a exprimé sa solidarité avec les responsables de la mosquée Arrahma ainsi que les fidèles.
Le Sénat durcit la loi sur le séparatisme
L’incendie ayant ciblé la mosquée de Nantes intervient dans un contexte tendu pour les musulmans de France. D’une part, une augmentation des actes antimusulmans a été observée en 2020. D’autre part, un durcissement du projet de loi contre le séparatisme est en vue, notamment après les amendements ajoutés par les sénateurs de la droite française.
Fin mars, le Sénat a commencé, en effet, à examiner le projet de loi sur le « séparatisme », élaboré par le gouvernement. D’emblée, le débat a été houleux au sujet du port du voile. Il s’est soldé par l’adoption de plusieurs mesures d’interdiction, contre l’avis du gouvernement, d’après BFM TV.
Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs Les Républicains (parti de l’ex président Nicolas Sarkozy), a reproché au gouvernement de ne pas oser parler du voile. En dépit qu’il soit accusé de cibler indirectement la communauté musulmane, il a affirmé, jeudi dernier, sur la même chaîne d’information vouloir « corser le texte » à travers ses amendements au projet de loi.
La veille, un amendement favorable à l’interdiction du port du voile dans les compétitions nationales officielles a été voté dans le cadre du volet consacré aux sports. « Si le port du voile n’est pas explicitement interdit, on pourrait voir émerger des clubs sportifs communautaires promouvant certains signes religieux », a asséné au palais du Luxembourg, Michel Savin, sénateur à l’origine de l’amendement.
« Si le port du voile n’est pas explicitement interdit, on pourrait voir émerger – et ça commence – des clubs sportifs communautaires promouvant certains signes religieux » : @MichelSavin38 vise les compétitions organisées par les fédérations #PJLPrincipesRépublicains pic.twitter.com/JFKhuoSgIs
— Public Sénat (@publicsenat) April 7, 2021
Mardi, un autre sénateur, de ce parti de la droite française, a introduit une série de mesures concernant l’université. Des mesures qui visent à interdire ce qu’il prétend être des prières « dans les couloirs » des facultés.
Les dénonciations de la Grande mosquée de Paris
Toujours fin mars, le recteur de la mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz, a dénoncé les propos de Marlène Schiappa, ministre française déléguée à la Citoyenneté. Cette dernière avait laissé entendre que les imams allaient « reconnaître », avec la Charte de l’islam de France, le droit pour les couples homosexuels de se marier.
« Cette charte est engageante (…) L’idée, c’est de dire comment on s’engage dans la lutte contre l’homophobie ? Est-ce que ça veut dire que dans les prêches, on considérera que deux hommes ont le droit de s’aimer, de se marier, comme deux femmes ont le droit de s’aimer et de se marier, comme le disent les lois de la République française ? C’est cela que dit cette Charte », s’est-elle hasardée à expliqué sur la chaîne d’information LCI.
Des déclarations qui ont provoqué l’ire de la Grande mosquée de Paris. Dans un communiqué, son recteur a qualifié les déclarations de la ministre d’« incompréhensibles » et d’« inacceptables ».
« Cette charte est notre affaire et je dénie à un ministre la capacité de dicter les prêches des imams. Que resterait-il de la liberté de religion ? Que resterait-il de la laïcité ? », s’est-t-il interrogé.
Et d’ajouter, « Et puis, il y a une grande différence entre refuser toute discrimination notamment pour un motif d’orientation sexuelle et adhérer au mariage homosexuel. Comme les autres religions monothéistes, l’islam ne reconnaît le mariage qu’entre les personnes de sexe différent. Aucune autorité publique ou politique ne peut dicter une doctrine religieuse ».
Hausse des actes antimusulmans en 2020
En France, les actes antimusulmans ont augmenté de 53% entre 2019 et 2020. Selon le Conseil français du culte musulman, 235 actes ont été recensés sur l’année.
Dans le détail, les attaques visant les lieux de culte musulmans ont bondi de 35%. Trois cimetières ont été ciblés en 2020 contre sept en 2019. Les régions les plus touchées sont l’Ile-de-France (région parisienne), Paca (Provence-Alpes-Côte d’Azur, sud-est) et Rhône- Alpes (région lyonnaise).
« Ces chiffres ne reflètent pas la réalité car beaucoup de responsables de lieux de culte ne souhaitent pas porter plainte, considérant, à tort ou à raison, que les enquêtes aboutissent rarement », a regretté Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM), dans un communiqué.
Le même responsable s’est dit « préoccupé par le regard négatif » porté sur cette religion. « Nous appelons à ce que notre religion et l’exercice de son culte soient considérés et traités avec les mêmes principes et règles qui régissent les religions et cultes historiquement installés en France », a-t-il déploré.
Djaouad Amine