Publication
Allaoua Bendif, universitaire, docteur en psychologie clinique, vient de compléter sa large réflexion sur le phénomène de la violence, sous ses différentes formes, au sein de la société algérienne et ce, par la publication de « Violences algériennes » tome 2, chez Trésors de Jugurtha.
Dans le tome 1 de « Violences algériennes » paru chez Koukou, en Novembre 2019, il s’est surtout concentré sur la visibilité statistique de ce phénomène dans notre pays, fortement marqué par la violence terroriste paroxystique des années quatre-vingt dix, tout en faisant en sortes que cette dernière, malgré son grand impact sur la vie nationale contemporaine, ne masque pas la progression des violences ordinaires que connaît la société algérienne. La violence routière, les violences criminelles, les violences dans et autour des stades de football, les violences dans les urgences hospitalières, les violences contre les femmes et les enfants etc., ne peuvent plus être ignorées et doivent requérir l’attention et la vigilance de tous.
Par ailleurs, pour l’auteur, replacer ces violences nationales dans le contexte des violences de l’environnement régional et international est indispensable à une lecture globale de ce fléau social dans notre pays.
Ce premier opus était donc consacré, en quelques sortes, à situer le phénomène des faits et des situations de violence au sein de la société algérienne, à la caractériser et à en améliorer, autant que la logistique statistique nationale, notoirement insuffisante, le permet.
Mais toutes ces violences, questionne Allaoua Bendif, sont-elles sécables de certains dysfonctionnements sociaux majeurs ?
Ainsi, précise-t-il, ce deuxième opus est consacré à la présentation d’un modèle théorique explicatif de ce phénomène qui se répand partout sur la planète et qui se mue maintenant non seulement en menace à la sécurité nationale et internationale mais aussi, s’il n’était pas pris vigoureusement en charge, en véritable handicap au développement national.
Le docteur Allaoua Bendif insiste sur la nécessité de discriminer clairement, sur le plan sémantique et conceptuel entre l’agressivité et la violence
L’agressivité, élément instinctif, participant de l’instinct de survie, d’adaptation et de régulation naturelle chez tous les être vivant, et la violence qui incluse et dépasse l’agressivité par sa dimension individuelle et collective transgressive de la loi sociale.
L’agressivité, potentiel instinctif naturel de survie, d’adaptation et de régulation de la vie de tous les êtres vivants est destinée à être éduquée pour être maîtrisée et contrôlée selon les lois et les valeurs de l’Ordre social et ainsi être gérée et orientée dans le sens du meilleur équilibre possible, entre la satisfaction des besoins des personnes et des groupes et leurs devoirs en faveur de la stabilité de cet Ordre social et de son évolution vers la meilleure configuration possible.
Selon l’auteur, cette éducation au sens le plus large, est une séquence importante de la construction d’une personnalité équilibrée et dotée d’un potentiel adaptatif satisfaisant.
Cette éducation/humanisation/socialisation de l’agressivité constitue la dynamique constructrice du vivre ensemble citoyen paisible pour faire société, pour faire peuple et pour faire Nation.
Cette culture du vivre ensemble citoyen est, à son tour, la pierre angulaire de la construction de l’Etat de Droit, démocratique et citoyen.
Le Dr Allaoua Bendif poursuit : « cette éducation à pour objectif la maîtrise, l’humanisation et la socialisation de l’agressivité individuelle en vue de la mettre au service de la création du meilleur équilibre possible entre les besoins de l’individu et ceux de la collectivité, dans le cadre d’un projet de vie personnel compatible et intégré au mieux aux caractéristiques, aux lois et aux valeur de son milieu social . Elle est partie intégrante de l’éducation/formation à la citoyenneté ».
Or, cette dernière ne concerne pas la famille ou l’école seulement : elle implique tous les démembrements de la Société et de l’Etat, pas uniquement sur les valeurs déclarées ou sur les cursus éducatifs théoriques proposés mais sur les pratiques quotidiennes sur les valeurs vécues qui en découlent dans absolument tous les secteurs de la vie quotidienne et au dessus de tout, dans l’exemplarité hautement et diversement éducative et formative de la mise en œuvre de ces pratiques, tous les jours.
Il poursuit : « la Famille, l’Ecole, la Ville en tant qu’espace sociétal éducatif, dans son organisation, sa gestion et son développement en conformité avec toute la politique nationale et les différentes procédures de l’aménagement du territoire national, le comportement encore une fois exemplaire de l’ensemble des représentants désignés de l’Etat et des représentants élus de la Nation. A ce titre, ce comportement exemplaire au quotidien constitue l’essentiel et le fondamental de l’Education/ Formation à la citoyenneté pour faire société, pour faire peuple et pour faire Nation et pour bâtir, dans l’effort collectif, l’Etat de droit démocratique et citoyen ».
Pour le Docteur Allaoua Bendif, c’est dans les ratés et dans les lacunes de cette éducation et de cette formation à la socialisation, à l’humanisation et au self control de l’agressivité que réside le risque de transformer celle-ci potentiel de survie, d’adaptation et de régulation sociale en violence individuelle et/ou collective transgressive des lois.
Si cette violence venait à atteindre certains niveaux incompatibles avec la stabilité et la paix sociales toutes deux relatives, elle se transformerait en source de déstabilisation voire en véritable handicap à la construction paisible et prometteuse de progrès à la fois de la société et de l’Etat national.
C’est donc prioritairement dans ce domaine sensible qu’il faut prévenir la violence sous toutes ses formes afin de la maintenir dans des proportions qui ne perturbent pas la vie sociale, sachant qu’une société sans violences est une représentation idéaliste, voire chimérique.
Biographie sommaire
Né le 17 mars 1953 à Skikda, Allaoua Bendif est docteur en Psychologie clinique et pathologique, diplômé de l’université de Constantine puis de Lille 3 en France. Il est adepte d’une psychologie d’implication dans les processus psychosociaux et institutionnels d’une Algérie en mutation intense et, par certains aspects, violente. Enseignant universitaire à la retraite, il a aussi exercé en tant que praticien et a exercé en situation d’urgence, notamment dans la prise charge psychologique des victimes d’accidents industriels et de leurs ayants-droits ainsi que des victimes de la violence terroriste.