Pas moins de 63 universitaires du monde entier se mobilisent en soutien à la professeure Nadera Shalhoub-Kevorkian, suspendue par l’Université hébraïque d’Al Qods suite à des propos jugés critiques sur l’entité israélienne. « La persécution de la professeure Shalhoub-Kevorkian pour cette interview est une preuve supplémentaire que les établissements d’enseignement supérieur israéliens sont devenus un outil entre les mains du gouvernement israélien d’extrême droite, qui cherche à faire taire toute critique ». Voici le texte traduit en français de cette tribune signée par pas moins de 630 universitaires du monde entier.
Nous, universitaires, chercheur.se.s, enseignant.e.s affilié.e.s à des institutions académiques du monde entier, sommes préoccupés et stupéfaits par la décision de l’Université hébraïque de Jérusalem (Al Qods) (UHJ) de suspendre la professeure Nadera Shalhoub-Kevorkian de ses fonctions d’enseignement suite à son interview pour le podcast « Makdisi Street ».
Cette décision est une atteinte flagrante à la liberté académique qui nécessite de remettre en cause toute collaboration avec l’UHJ.
Dans la lettre envoyée à un membre de la Knesset israélienne, les professeurs Asher Cohen et Tamir Sheafer, président et recteur de l’UHJ respectivementfa, déclarent que l’UHJ est « une institution israélienne, publique et sioniste », clarifiant ainsi que la UHJ donne la priorité au conformisme politique sur la liberté académique.
Cette lettre et une publication supplémentaire de l’université constituent une reconnaissance du fait que l’adhésion aux valeurs sionistes et à un ensemble d’opinions et de positions est une condition préalable pour travailler et mener des recherches à l’UHJ.
Quant aux autres allégations formulées à l’encontre de la professeure Shalhoub-Kevorkian, elles reprennent de faux arguments avancés par des associations fascistes et diffusés par les médias israéliens. Rien dans l’interview de la professeure Shalhoub-Kevorkian ne peut être interprété comme une incitation, une menace ou un soutien au terrorisme ou au racisme. Elle ne nie pas non plus l’attaque du Hamas contre le sud d’Israël le 7 octobre. Cette interview présente une critique d’Israël.
La persécution de la professeure Shalhoub-Kevorkian pour cette interview est une preuve supplémentaire que les établissements d’enseignement supérieur israéliens sont devenus un outil entre les mains du gouvernement israélien d’extrême droite, qui cherche à faire taire toute critique d’Israël et cible les dissidents politiques, en particulier les Palestiniens.
Par conséquent, à moins que l’UHJ ne revienne sur sa décision, nous, soussignés, déclarons que nous ne collaborerons plus avec elle à l’avenir.
Nous ne pouvons pas soutenir – par le biais de recherches collaboratives, de conférences et de visites de recherche – une université qui persécute les membres du corps enseignant qui ne s’alignent pas sur le gouvernement israélien. Nous ne souhaitons pas non plus que notre travail soit compromis par des collaborations avec une université qui déclare suivre une ligne politique et la fait primer sur la liberté académique.
Il est également essentiel de noter que la lettre des Profs. Cohen et Sheafer a été envoyée à un moment où la campagne militaire israélienne sur Gaza – que la CIJ a jugé plausible d’assimiler à un génocide – a coûté la vie à plus de 30 000 Palestiniens, selon les registres des hôpitaux, la majorité d’entre eux étant des femmes et des enfants.
La lettre exprime l’indignation de la professeure Shalhoub-Kevorkian qui considère l’attaque de l’armée israélienne contre Gaza comme un génocide.
Pourtant, à ce jour, nous n’avons entendu aucune critique de la part de UHJ concernant le refus d’Israël d’autoriser l’entrée de l’aide humanitaire et la privation de nourriture des Palestiniens vivant à Gaza. L’université n’a pas non plus fait entendre sa voix lorsqu’Israël a démoli des universités et pris pour cible des universitaires palestiniens.
Les déclarations déshumanisantes et dangereuses des hommes politiques israéliens ont également été accueillies par le silence. L’écart entre le silence de l’UHJ sur les crimes commis par Israël, d’une part, et son attaque virulente contre les membres de la faculté qui critiquent Israël ne peut que nous faire douter de son intégrité en tant qu’institution de recherche.
En conclusion, tant que l’UHJ ne reviendra pas sur sa décision de suspendre la professeure Shalhoub-Kevorkian et ne déclarera pas son engagement en faveur de la liberté académique et de la recherche indépendante, nous refuseront de collaborer de quelque manière que ce soit avec cette université.