Tunisie : Kaïs Saïed lance une offensive anticorruption
Placé sous l’autorité du président, le parquet annonce l’ouverture d’une enquête contre Ennahdha et ses alliés.
Où va la Tunisie, dont tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du président Kaïs Saïed depuis dimanche dernier ?
Le chef de l’État s’est appuyé sur l’article 80 de la Constitution autorisant des mesures exceptionnelles en cas de « péril de la nation ».
Faute de qualifications précises, il en a assumé l’application face à la crise politique, économique et sanitaire que traverse son pays. À la veille de ce coup de force institutionnel, 77 personnes étaient décédées des suites du Covid-19, soit l’équivalent de plus de 2 000 victimes dans un pays comme la France au regard du taux d’habitants. Les hôpitaux atteignent un seuil d’alerte, la pénurie d’oxygène précipite la Tunisie vers l’abîme.
L’inertie du gouvernement, son manque d’anticipation exaspèrent la rue. Le tout dans une conjoncture économique des plus dégradées avec un endettement à hauteur de quasiment 100 % de la richesse produite, contre 45 % en 2010. Saïed n’a pas encore nommé de premier ministre.
Il lance en revanche une offensive anticorruption. Quelque 460 hommes d’affaires sont accusés de détournement de fonds sous l’ère Ben Ali. Ils devraient « 13,5 milliards » de dinars (4 milliards d’euros) à l’État, selon le rapport d’une commission d’enquête. Mais pas seulement.
Le parquet, placé sous l’autorité du président, annonce l’ouverture d’une enquête contre Ennahdha et ses alliés, Qalb Tounes et Aïch Tounsi, soupçonnés d’avoir reçu des financements venus de l’étranger dans le cadre de la campagne électorale de 2019.
Les islamistes tentent de faire diversion en appelant à un scrutin législatif anticipé.
L’UGTT et les organisations de la société civile, qui ont rencontré le président, attendent quant à elles avec impatience les premiers signes d’une garantie constitutionnelle de retour à la normalité, dont la désignation d’un chef de l’exécutif.
R.I.