Analyse
La diplomatie arabe dans les labyrinthes du Kremlin
Si l’Europe va avoir froid, manquant du gaz russe, l’Afrique et nombreux pays arabe, eux, auront faim, faute de blé ukranien.
Hayet Youba
Les coups de feu ont été tirés en Ukraine mais les «victimes» se comptent dans le monde entier. En effet, les répercussions du conflit qui oppose la Russie à l’Ukraine sont graves notamment sur les cours mondiaux du pétrole, du gaz et sur les prix des denrées comme le blé. D’ailleurs, une course effrénée aux grains est lancée puisque l’Ukraïne, qui était alors le quatrième exportateur mondial de maïs et en passe de devenir le troisième exportateur de blé derrière la Russie et les États-Unis, est en guerre. Avec une phrase simple, la directrice générale du FMI Kristalina Georgieva, a résumé la situation «la guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique » et «dans nombreux pays déjà fragiles», comme l’a aussi affirmé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres mettant en garde contre « un ouragan de famines ». C’est dire que si l’Europe va avoir froid, manquant du gaz russe, l’Afrique et nombreux pays arabe, eux, auront faim, faute de blé ukranien. C’est notamment le cas de l’Égypte, qui fait venir 90 % de son blé de Russie et d’Ukraine, la Libye qui importe les deux tiers de son blé, l’Indonésie, deuxième acheteur mondial mais aussi l’Éthiopie, le Pakistan, la Turquie, l’Érythrée… C’est dire que l’éclatement de la crise russo-ukranienne préoccupe énormément les pays arabes et africains qui font face au risque des émeutes de la faim. D’ailleurs, afin d’assurer les besoins alimentaires et énergétiques, la ligue arabe a été sollicitée par le Liban pour la mise en place d’une coordination et d’une solidarité entre les pays membres. Mais aucune solidarité ne tient puisque tous les pays arabes sont dans le même cas. Que faut-il alors faire ? Jouer aux médiateurs dans l’espoir de voir la crise trouver son épilogue et que, les choses reviennent à la normale. La sécurité alimentaire est d’ailleurs l’une des raisons qui a amené le groupe de contact arabe à lancer des concertations avec deux parties du conflit. Certes, il ne s’agit pas uniquement de ça. Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra qui est, depuis ce matin, à Moscou, en compagnie des chefs de la diplomatie de la Jordanie, du Soudan, de l’Irak et de l’Egypte, en sus du Secrétaire général de la Ligue arabe, va lancer des concertations avec la partie russe autour du conflit en Ukraine avant de rejoindre la Varsovie (Pologne) pour rencontrer la partie ukrainienne. Cela va permettre à la ligue arabe de démontrer le rôle important qu’elle peut jouer dans un conflit qui oppose de blocs du monde. Car dans cette guerre, le monde s’est divisé en deux. Ceux qui sont dans le camp des Etats-Unis et ceux qui soutiennent la Russie. Les arabes eux, loin de représenter une force mondiale, n’avaient pas réellement leur mot à dire dans le conflit mais devaient afficher une position. Pour ne froisser ni les Russes ni les Américains, ils ont commencé par opter pour le silence, se suffisant d’organiser le départ de leurs ressortissants d’Ukraine. Par la suite, la ligue arabe qui, réunit vingt-deux États du Maghreb et du Moyen-Orient, a appelé à la «retenue» et a plaidé pour une sortie de crise par une «solution diplomatique». Et c’est grâce à cette position neutre que la ligue arabe a la possibilité, aujourd’hui, de jouer les médiateurs entre la Russie et l’Ukraine et à travers, ce pays, toute l’Europe et les Etats-Unis. Il y a lieu de préciser que la Ligue arabe est l’une des nombreuses entités cherchant à parvenir à un règlement pacifique de l’invasion russe de l’Ukraine, qui a commencé le 24 février. Plusieurs tentatives de médiation ont déjà eu lieu sans aboutir, notamment à Istanbul. Le premier ministre de l’entité sioniste a également tenté d’intervenir en tant que médiateur entre Moscou et Kiev mais sans succès.
H.Y.