Histoire : L’historien Mohamed Harbi répond à un chercheur algérien sur son parcours et son travail
Le célère historien algérien, Mohamed Harbi, affirmant qu’il a été diffamé dans une contribution d’un enseignant-chercheur dénommé Mohammed Hachemaoui, parue dans le dernier numéro de la revue Sociétés Politiques Comparées, intitulée « Algeria : From one Revolution to the Other? » (Algérie : d’une révolution l’autre ? », qualifie cet auteur de « conspirationniste » et qui a « une obsession notoire pour les services de sécurité » algériens.
« Au-delà de ma personne (mon nom apparaît une quarantaine de fois en 69 pages), le pamphlet de Hachemaoui prend à partie de nombreux intellectuels et universitaires, en se posant comme rédempteur et redresseur de torts.
Bien plus, son argumentation conspirationniste se fonde sur ses données partielles et partiales ; son propos tend à inoculer chez un peuple en situation d’éveil les germes du désespoir ; sa démonstration n’offre aucune piste de réflexion sérieuse sur l’histoire contemporaine de l’Algérie », soutient l’historien dans une mise au point à la revue.
« Il ne s’agit pas de déconsidérer les premiers travaux de Hachemaoui, d’autant que j’ai préfacé son livre en 2013, comme je l’ai fait pour d’autres jeunes chercheurs. En revanche, son obsession notoire pour les services de sécurité l’a conduit à emprunter une pente glissante et à analyser les événements récents en Algérie à travers le prisme exclusif de la « contre-révolution », des manipulations et autres complots » ajoute Harbi.
L’historien accuse ce chercheur d’avoir occulté son itinéraire et ses publications sur l’histoire de l’Algérie, et l’avoir présenté comme un « ancien intellectuel organique du FLN» ou comme un « intellectuel organique », comme il l’a fait selon Harbi pour d’autres intellectuels algériens connus.
« Hachemaoui cherche vainement à me présenter comme une caution intellectuelle du régime algérien en occultant volontairement mon itinéraire (7 années de prison et de résidence surveillée, sous autorité militaire et policière, 17 ans d’exil, 18 ans de privation de passeport, interdiction de mes ouvrages en Algérie jusqu’à une date récente, campagnes systématiques de dénigrement, persécution de ma famille, etc.) ainsi que mes nombreuses publications » souligne l’historien, qui rappelle avoir démissionné en 1960 du poste de conseiller de Krim Belkacem « en dénonçant la conception policière de l’action politique qui prévaut au sein du FLN ».
Pour Harbi ce chercheur « qui n’a jamais travaillé sérieusement sur le mouvement national algérien, m’accuse d’avoir forgé en la matière un « récit dominant » (« hégémonique » voire « orthodoxe » selon les passages du texte), notamment au sujet de mon emploi de la notion de « populisme » et qui reprendrait, selon lui, les « anathèmes » staliniens à l’encontre de « Messali Hadj et ses camarades prolétariens ». De ce fait, il oublie volontairement ma contribution à la réémergence de Messali dans le débat public depuis la parution, en 1975, de mon ouvrage sur les origines du FLN ».
Harbi nie également, les propos de ce chercheur le taxant d’avoir durant la « crise des années 1990 » en Algérie, été « complice des militaires algériens qui ont interrompu le processus électoral en janvier 1992 ». Il se demande « quelle personne connaissant un tant ce peu cette période et mes convictions peut croire une chose pareille ? ».
Harbi critique en outre la lecture de ce chercheur sur le Hirak algérien, qui affirmait : « le hirak, qui se veut en rupture radicale avec le système, ne réclame pas la vérité ni ne demande de comptes » (21 février 2020) »…
Pour l’historien, « il faut avoir été sourd et aveugle pour ne pas mesurer, non seulement les limites de cette dynamique mais aussi les attentes exprimées par la population depuis février 2019 et l’enthousiasme qu’elle a soulevée ».