Esteban Silva, militant chilien très dynamique de bon nombre de causes justes et noble, est président de l’association de son pays de solidarité avec le peuple sahraoui. Il est aussi membre au sein du conseil exécutif de la toute nouvelle association internationale des amis de la révolution algérienne. Il revient pour nous dans cet entretien sur les objectifs hautement stratégiques et politique de cette association. Celle-ci est appelée à jouer le rôle d’ambassadrice et de vitrine de la nouvelle Algérie, en phase d’édification par le président Abdelmadjid Tebboune. Il revient aussi sur la montée en puissance des BRICS que notre pays souhaite intégrer. Enfin, il y est question de troublants incidents qui lui sont arrivés récemment. Ces derniers ne sont certainement pas le fruit du hasard. Il s’agit un militant aussi chevronné le sait mieux que personne.
Entretien réalisé par Mohamed Abdoun
Esteban Silva Cuadra, président de l’association chilienne de solidarité avec le peuple sahraoui
La Patrie News : Tus as séjourné tout récemment en Algérie dans le cadre de la création de l’association des amis de la révolution algérienne, dont tu as été élu président d’honneur. Peut-on en savoir plus sur cette création, et sur les actions et objectifs de cette association ?
Esteban Silva Cuadra : En date du 3 juillet passé, l’association internationale des amis de la révolution algérienne a vu le jour. Il s’agit à mon sens d’un évènement majeur. Cette association est présidée par le moudjahid et ex-ambassadeur Noureddine Djoudi. L’ex-président mozambicain Joachim Schissano en est président honoraire. J’ai personnellement été gratifié de l’insigne honneur d’être élu membre du bureau exécutif de cette très importante association. Selon moi, la naissance de cette association des amis de la révolution algérienne est très importante.
Elle a pour lourde mission de faire connaitre les hautes valeurs de cette révolution hors pairs, de les perpétuer, et de la diffuser partout dans le monde. Elle cherche aussi à approfondir la coopération et l’amitié entre le peuple algérien, et les citoyens qui croient et partagent ses mêmes valeurs. Cela, en organisant des activités politiques, historiques et culturelles.
Cette association se fixe également pour tâche de faire des recherches et de promouvoir des recherches académiques sur la révolution algérienne. Cette révolution promet de facto la dimension de solidarité entre les peuples. Cette révolution sert de phare et de modèle à d’autres peuples, comme le peuple palestinien et sahraoui, qui se bat et se sacrifie en faveur de son autodétermination. D’autres peuples dans le monde prennent la révolution algérienne comme modèle en se battant bravement contre le colonialisme et, surtout, le néocolonialisme. Ce dernier, en plein 21e siècle, n’a jamais été aussi présent et menaçant que maintenant.
J’insiste donc pour rappeler et marteler que cette association internationale peut jouer aujourd’hui un rôle très important. L’Algérie nouvelle est en droit de mettre à profit son glorieux passé pour œuvrer à bâtir un nouvel ordre mondial, plus juste et multilatéral, grâce au précieux concours de cette association internationale.
Cette association peut également aider à jeter des ponts et à approfondir les relations entre les peuples d’Afrique et d’Amérique Latine et Caraïbes. Il s’agit pour eux d’édifier un nouvel ordre économique, basé sur des échanges plus justes. Par exemple, tout ce qu’il se passe présentement autour des BRICS est d’une importance capitale. Pour moi, l’Algérie peut, et doit, jouer un rôle plus dynamique sur la scène internationale. Cela, en solidarité avec la lutte du peuple sahraoui en faveur de son autodétermination, et celle du peuple palestinien.
L’Algérie nouvelle, aujourd’hui plus que jamais, joue un rôle très important dans la défense des principes de la Charte des Nations-Unies. Notamment, face au conflit qui oppose présentement la Russie à l’OTAN en territoire ukrainien. Cette association internationale des amis de la révolution algérienne a un rôle central à jouer dans la diplomatie, et le dialogue entre les peuples.
Alger a également un rôle majeur au sein des non-alignés et, je l’espère, au sein du conseil de sécurité, où elle a été admise en tant que membre non-permanent. Idem pour l’aide au dénouement légal de la crise nigérienne, sans effusion de sang, et sans intervention militaire étrangère. Dans ce cadre-là, moi et Carlos B. du Venezuela, sommes très contents de représenter cette association naissante en Amérique Latine et aux Caraïbes, présidée par un légendaire combattant de la révolution algérienne, monsieur Nordine Djoudi. Nous au Chili visons à préserver la mémoire et l’héritage du leader Salvador Allende en tant que militants des causes des peuples.
Tu restes un irréductible défenseur de la mémoire et de la politique de Salvador Allende. Est-ce que le Chili en général et l’Amérique Latine en particulier ont une chance de renouer avec leur lustre d’antan, celui des années 1970 ?
Au mois de septembre prochain, nous comptons commémorer le cinquantième anniversaire du coup d’Etat qui a coûté la vie au président Salvador Allende, qui a installé la dictature et la persécution brutale contre le peuple chilien de la part de la dictature fasciste de Pinochet, qui a cherché à imposer le capitalisme sauvage et inhumain au peuple chilien.
Donc, le projet d’émancipation et de justice sociale reste plus que jamais valables, aujourd’hui, en ce XXIe siècle. Le projet de société du président Allende n’a pas été vaincu. Il reste valable et d’actualité. Aujourd’hui plus que jamais. Les nouvelles générations, agissant activement dans un contexte différent, luttent pour arracher leur deuxième indépendance, cette fois-ci économique, du Chili. J’entends par là la reprise en main du peuple chilien de ses ressources naturelles et stratégiques.
Cela suppose une réindustrialsationion du pays avec une logique de partage et de participation des travailleurs, et de la société civile chilienne dans un sens plus large. Ce projet ambitieux nécessite la coopération de tous les pays du sud global, à commencer par les pays d’Amérique Latine et des Caraïbes. Il s’agit pour nous tous de faire corps pour construire un nouvel ordre mondial multilatéral qui puisse contrer la politique impérialiste et néocolonialiste de l’Occident. C’est en cela que pourrait se résumer le projet de Salvador Allende.
Est-ce que l’avenir réside dans les BRICS ? Si oui, est-ce qu’on s’achemine vers la fin de l’ONU, dont l’impuissance relève désormais du secret de polichinelle ?
Le rôle déjà majeur que se mettent à jouer les pays membres des BRICS est appelé à aller crescendo avec les nombreuses demandes d’adhésion formulées par des pays aux poids géopolitiques et économiques incontestables. Dans ce cadre-là, les BRICS sont aux premières lignes pour bâtir un nouvel ordre mondial multilatéral plus juste, et permettre aux peuples sahraoui et palestinien de s’émanciper et d’accéder à leur indépendance. Cette importance notable des BRICS n’est pas seulement économique et commerciale. Elle est aussi politique, et géopolitique.
Le système et les institutions des Nations-Unies sont en crise, car ils n’ont pas réussi nouer une relation juste entre l’Occident et les pays du sud global. Le droit international est appliqué au cas par cas, et à la tête du client. La souveraineté et le droit à l’autodétermination des peuples devraient primer sur toute autre considération. Les BRICS peuvent aider à bâtir un nouvel ordre multilatéral sur les plans économique, politique, financier et culturel.
Les BRICS pèseront très lourd dans les actuelles mutations planétaires, cela même si certains désaccords politiques existent entre des membres de ce groupe. Car la tendance globale reste positive et fortement prometteuse. A nous, pays de l’Union Africaine, de l’Amérique Latine et des Caraïbes de pousser ensemble pour soutenir cette mutation planétaire, et en accélérer le rythme. Cela, pour faire face aux grands défis auxquels l’humanité est confrontée aujourd’hui. Finalement, le récent entre les responsables de l’UE et ceux du CELAC (Amérique Latine et Caraïbes), cristallise on ne peut mieux les contradictions dont je parle dans cet entretien.
Les pays membres de l’UE y ont tenté d’imposer leur vision injuste et impérialiste, s’agissant notamment de la guerre de l’OTAN contre la Russie. Fort heureusement, la majorité des Etats de la CELAC ont refusé cela. Ils ont plutôt appelé à l’apaisement et au dialogue. Ils ont également mis en avant leur profond désaccord sur les injustes accords de libre échange, qui servent grandement l’Occident au détriment de la CELAC, ainsi que sur la transition écologique. Tout cela reflète l’antagonisme profond qui existe entre l’Occident capitaliste et les pays du sud global.
De curieux « incidents » t’ont touché par un retard dans l’arrivée de tes bagages une première fois, puis le vol pu et simple de ton sac à l’intérieur de ta maison. Ces actions puent de loin celles des services secrets. Mais est-ce que la DGED marocaine a le bras assez long pour mener des actions au Chili et en France ? En posant cette question, et sans vouloir t’effrayer, je garde en mémoire l’affaire Ben Barka ?
Tus as séjourné tout récemment en Algérie dans le cadre de la création de l’association des amis de la révolution algérienne, dont tu as été élu président d’honneur. Peut-on en savoir plus sur cette création, et sur les actions et objectifs de cette association ?
J’ai en effet été victime de curieux incidents. Je suis rentré chez moi au Chili, en provenance de l’Algérie, après y avoir participé à la constitution de l’association internationale des amis de la révolution algérienne, où j’ai bénéficié de l’insigne honneur de me faire élire au sein de son bureau exécutif national. A deux reprises, durant mes voyages entre le Chili et l’Algérie, mes bagages se « perdent » curieusement durant mes escales parisiennes, et mettent quelques jours avant de m’être restitués.
C’est la multiplication de cette anomalie qui me pousse à m’inquiéter et à me poser de légitimes questions. J’ai aussi été victime du vol de mon sac de voyage à l’intérieur de ma maison au moment-même où je m’apprêtais à me rendre en Algérie. Pour moi, et au regard des objets volés, puis retrouvés, me fondent à penser qu’il ne s’agit pas d’un vol classique.
Le fait de parler publiquement de ces incidents aide à protéger et à alerter. Dans tous les cas de figures, et je le dis ici avec force et conviction, ces incidents ne vont pas me faire peur, ni me forcer à me taire, ou à me battre en faveur des peuples sahraoui et palestinien. Je suis pleinement conscient des risques que je prends. Et je les assume totalement. C’est la dure voie de tous les militants sincères et engagés. On se bat pour notre dignité, et pour notre autodétermination collective et individuelle. Mes engagements demeureront inébranlables jusqu’à la victoire finale. Personne ne me fera reculer ! A bon entendeur…
M.A